TT296, la tombe de Nefersekherou

Nous allons parler de la tombe d'un haut fonctionnaire de l'époque de Ramses II, d'autant plus intéressante que, malgré sa petite taille, elle présente un ensemble de scènes caractéristiques de l'époque, qui ont conservé leurs belles couleurs. Elle est habituellement ouverte à la visite.

Localisation et plans

La tombe est située dans la partie Sud de la région de el-Khokha (cf , d'après Kampp).
Pour y accéder, on descend aujourd'hui une volée de marche aboutissant dans une cour, quelques mètres en contrebas. Dans celle-ci se trouvent les ouvertures d'entrée à trois monuments :

A l'ouest, la tombe TT 296 de Nefersekherou, dont nous allons parler

Au sud, la tombe de , qui présente beaucoup de similarité avec la précédente, et qui a peut être appartenu au prédécesseur de Nefersekherou (ce nom y est mentionné). Quoi qu'il en soit, les deux tombes TT 296 et TT 178 sont de même époque, celle de Ramses II, et de facture proche suggérant qu'elles ont été réalisées par les mêmes ateliers. TT178 est plus "animée", mieux organisée et elle semble un peu plus ancienne.

Au nord, la tombe . Elle est inachevée, réduite au linteau et aux jambages de l'entrée, où on lit les cartouches du pharaon Thoutmosis III. Ce monument est donc beaucoup plus ancien, et les deux autres ont profité de la cour qui avait été aménagée pour lui.

Ayant décidé de réaliser l'entrée de sa tombe dans le mur ouest, Nefersekherou fut obligé de limiter les aménagements des pièces supérieures. En effet, il se trouvait très près de l'avant-cour de la tombe . La cour de cette dernière est de nos jours masquée par un grand amas de déblais et on pénètre dans la tombe par une ouverture dans le mur ouest de la tombe de Nefersekherou.
Nefersekherou ne pouvait pas étendre son monument vers l'ouest, comme il aurait certainement voulu le faire afin de respecter l'axe symbolique de la course solaire. Pour y remédier, il a donc choisi de placer au milieu du mur ouest une niche ayant la forme d'une porte surmontée d'une corniche. La pierre de la paroi a été taillée partiellement en ronde bosse, de manière à figurer le dieu Osiris debout, momiforme. Cette image est flanquée de deux représentations du défunt en ronde bosse. Ainsi, on obtenait une véritable chapelle dédiée au grand dieu du monde souterrain.

La tombe ne pouvant pas s'étendre vers l'ouest, la seconde pièce fut placée au sud, communiquant avec la première par l'intermédiaire d'un petit couloir. Au-dessus de l'ouverture, on trouve un motif classique, constitué par les deux grands dieux en rapport avec la mort et le monde funéraire, Osiris (gauche) et Anubis (droite), en compagnie de déesses. Ils sont assis dos à dos, et adorés par le défunt.

Le monument comporte deux complexes souterrains distincts. On accède au premier par un puits qui se trouve aux pieds de la chapelle d'Osiris, creusé dans le socle rocheux de la pièce A. Le second est plus étendu. On y accède par une descenderie qui s'ouvre dans le sol à la partie arrière de la seconde pièce (). Nous détaillerons ces appartements souterrains en fin de présentation.

Nefersekherou et sa famille

Nefersekherou a occupé quatre fonctions, probablement connectées entre elles.
•  "Adjoint à l'administrateur du trésor", souvent complété par "du seigneur des Deux Terres", souvent limité à Thèbes. Il existait donc toujours un trésor royal à Thèbes à l'époque ramesside.
•  "Scribe" ou "Scribe royal du trésor du seigneur des Deux Terres".
•  "Scribe des offrandes divines de tous les dieux", parfois limité à Thèbes, ou au temple d'Amon. Cette fonction correspondait probablement à la surveillance du mouvement des objets précieux du culte en provenance du trésor.
•  "Supérieur des serfs (ou des esclaves) ", titre qui n'est présent que deux fois et qui doit traduire la main mise sur le personnel servile du trésor dans le temple d'Amon.
Notons qu'il est possible que Nefersekherou ait succédé à son voisin Neferrenpet dans l'exercice des fonctions de ce dernier.

Nefersekherou semble avoir eu trois épouses qui, comme sa fille, et les épouses de son prédécesseur présumé, étaient toutes chanteuses d'Amon. Il n'est pas possible de dire si ces femmes ont obtenu cette position en raison de la situation de leurs maris, ou si ce sont les hommes qui ont choisi leurs épouses dans ce groupe. Il est par contre assuré que la fille du défunt a hérité ce titre de sa mère.
Une des épouses, Kah n'apparaît que dans le passage d'entrée.
Les deux autres, Nefertari et Nedjemmaatmout sont présentes dans la pièce principale.
Toutes les trois sont désignées comme "sa sœur, la maîtresse de maison, la chanteuse d'Amon, X", mais seules les deux dernières peuvent être désignées comme "son aimée".
Toutefois la place de choix où Kah est représentée, la qualité de son image réalisée en relief creux et peint, indique qu'elle occupait une place aussi importante que les autres. Peut-être était elle sa première épouse défunte, ou celle en titre au moment de son décès ?
Nefertari apparaît exclusivement sur les scènes situées sur le mur sud de la chambre principale, et Nedjemmaatmout exclusivement sur le mur nord. Dans la niche à statue, Nefersekherou se trouve entre deux femmes. Celle de droite est Nedjemmaatmout, et, malgré les dégâts subis par l'inscription qui se trouve sur la robe de la seconde, on peut raisonnablement admettre qu'il s'agit de Nefertari. Le nom de cette dernière se trouve sur l'architrave qui surmonte la porte du mur sud, tandis que sa contrepartie nord comporte encore la fin du mot "mout".
Dans la scène finale qui se trouve sur le registre du bas de la partie sud du mur ouest, le nom de Nefertari a été remplacé par celui de Nedjemmaatmout, ce qui pourrait indiquer que Nefertari est morte avant l'achèvement de la tombe ; une femme du nom de Nefertari est assise sous le siège de l'épouse, suivie par trois fils du défunt (sur le ). De plus, le style de la partie nord de la pièce (qui ne comporte que Nedjemmaatmout) semble plus récent, ressemblant moins à celui plus ancien de la tombe voisine TT178.
La fille aînée de Nefersekherou et de Nefertari se nomme Hener (ou Heli) et elle est mentionnée trois fois. Dans le texte associé à la troisième porte, son nom se trouve après celui de sa mère comme "sa fille", mais elle n'est pas représentée dans la scène. Elle apparaît avec ses deux propres filles aînées (donc les petites filles de Nefersekherou) dans la scène la plus à gauche de la section sud du mur ouest, où elle remplace sa mère, tout en restant désignée comme "sa fille".

Deux fils sont clairement identifiés. Le premier est "son fils, le scribe de l'armée du seigneur du Double Pays, Amenemopet", qui se trouve dans la scène en haut, à gauche, de la section sud du mur ouest. Le second est "son fils, le prêtre-ouab", mais son nom n'est pas inscrit.

Décor - Généralités

Seules l'entrée et la pièce principale sont décorées. Le relief est quasiment complet, en dehors d'une portion du mur nord du passage d'entrée.
Les décors ont été peints sur une couche de plâtre blanc, avec une attention toute particulière accordée aux zones de jonction arrondies situées au sommet des murs est et ouest ().

Dans cette tombe, seuls les murs est et ouest portent des représentations figurées, avec des scènes cultuelles, des scènes de banquet, etc.… L'étendue de ces scènes illustrées reste cependant limitée, car les registres qui les contiennent n'occupent respectivement que 50% (mur est) et 60% (mur ouest) de la hauteur pariétale.

Les frises

À la partie supérieure de chaque mur, au-dessus des registres de personnages, se trouve la classique frise de khakerou (sauf au dessus de la niche osirienne). Ils sont censés représenter les touffes de roseaux ligaturées qui décoraient le sommet des murs bordant les cours domestiques.

La frise est particulièrement belle dans cette tombe, en grande partie parce qu'elle a gardé toute la chatoyance de ses superbes couleurs (comme le reste des parois). Le disque rouge du sommet est le plus souvent (pas toujours) entouré d'un cercle blanc. La ligature qui réunit les trois faisceaux bleu et rouge est représentée par un disque doré. Au-dessus des khakerous est tracée une ligne jaune, d'épaisseur variable, qui les sépare des décors du plafond. Elle manque dans les zones où ce dernier est très bas.
Sous les khakherous se trouve une autre représentation classique, celle d'un motif où alternent, entre deux fines bandes blanches horizontales, des rectangles bleu, jaune et rouge séparés par des carrés blancs. En dessous se trouve une large bande jaune d'or, délimitée par des bandes blanches cernées d'une très fine bande rouge, dans laquelle un texte est inscrit en hiéroglyphes colorés. Sur le mur ouest, une autre bande blanche sépare le texte des registres sous-jacents.
Enfin, sur le mur est, on trouve une bande de plus, de couleur turquoise cernée de blanc, suivie d'une autre, bleu nuit. Cette dernière porte, dans la partie sud, une rangée d'étoiles blanches (). D'autres délimitations de couleur se trouvent entre les deux registres de représentations figurées.
Du côté ouest, on retrouve une autre bande en échelle de rectangles colorés, suivie par une bande jaune de texte, mais cette fois une deuxième bande de couleur y est adjointe ().
Sur le mur est, les bandes sont calquées sur celles du haut des registres : rectangles, texte, rectangles et finalement une bande bleue sans étoiles ().

Sous les registres on trouve partout le même bandeau, constitué de deux épaisses bandes jaune et rouge, séparées et bordées par des lignes noires (). En dessous, la roche est nue jusqu'au sol.

Les plafonds

() Les plafonds du passage d'entrée, de la salle principale, ainsi que celui au-dessus de la niche à statues ont été très soigneusement réalisés, et le hasard a fait qu'ils soient aussi très bien préservés. Chacun comporte un ou plusieurs motifs centraux, en général de style géométrique. Il en résulte cinq motifs différents, dont trois se trouvent dans la pièce principale. Les caissons ainsi réalisés sont séparés les unes des autres par des bandes de couleur et, dans le cas du plafond principal, par des bandes de texte. Chacun de ces plafonds sera décrit plus en détail dans la zone correspondante.

Condition générale du monument

La façade a beaucoup souffert et seul persiste un fragment du jambage droit de l'entrée. Le jambage gauche ne survit que sous forme de fragments qui ont été enserrés dans le béton de la restauration. Le linteau de pierre qui les surplombait a complètement disparu, remplacé de nos jours par un autre en béton.
L'intérieur de la chapelle montre une alternance de zones dégradées et de zones restaurées, sans qu'on perçoive un plan précis pour les dégradations. Il semble que les iconoclastes se sont plutôt acharnés sur les visages. Néanmoins, on ne comprend pas bien pourquoi, dans la salle d'audience du tribunal, sur le mur sud-est, les visages d'Osiris, des Quatre Enfants d'Horus, et des accesseurs ont été épargnés, alors que ceux de tous les autres intervenants ont eu à souffrir. Dans certaines zones, ce sont des portions du visage seulement qui ont été attaquées : yeux, nez, menton. Notons qu'il ne semble pas y avoir de martelage délibéré de hiéroglyphes dans les inscriptions.
Il est certain que la tombe a été restaurée dès l'époque pharaonique, même si ces réparations sont parfois tombées des murs depuis.
En étudiant les photos prises entre 1919 et 1931 par Harry Burton lors de ses séjours à Louxor, on se rend cependant compte que de nombreuses restaurations sont modernes. Le sol a été cimenté, et le puits devant la niche osirienne comblé. Des réparations ont également été faites dans la niche elle-même, notamment au dessus de la taille du dieu où les zones de cassure ont été adoucies, et sur le mur sud. Les visages ont aussi été restaurés, ainsi que des parties du texte. À la même période, le grand trou dans le sol à l'entrée, là où le linteau s'était effondré, a été comblé et le niveau ramené à celui de la cour, où se trouvaient encore des maisons modernes en briques crues.

La façade

L'étroite entrée de la tombe, qui se trouve sur le mur ouest bordant la cour, avait à l'origine une façade superposable à celle de la tombe TT178 voisine, avec un linteau décoré et une paire de jambages portant chacun trois colonnes verticales de texte hiéroglyphique. Les débris du linteau retrouvés dans la cour permettent d'affirmer qu'il comportait une double scène dans laquelle le défunt faisait offrande à deux dieux (non identifiables) assis dos à dos, séparés par un cartouche au nom de Ramses II (voir à droite).
Malgré les maigres restes de texte survivant sur les jambages droit et surtout gauche, on peut néanmoins dire que les six colonnes portaient des formules d'offrande classique, de type "hetep di nesou", "Veuille le roi donner une offrande à…", adressées à diverses divinités : Amon-Ra, Osiris, Anubis et Hathor ( et ).

Passage d'entrée

Une porte métallique s'ouvrant vers l'extérieur protège aujourd'hui la tombe. A l'origine, une porte en bois ouvrant vers l'intérieur avait été placée du côté nord, tandis qu'un trou destiné à accueillir une gâche de verrou se trouve dans le mur sud.
Le passage mesure environ un mètre carré, et un peu plus de 2m de haut. Conformément à l'usage du temps, les murs nord et sud portent les scènes d'adoration au soleil levant et au soleil couchant et les hymnes correspondants. À l'époque de Ramses II, ils sont adressées à Amon-Ra-Horakhty qui domine le monde du jour, et à Osiris, qui domine le monde de la nuit et les défunts.

A la différence du reste de la tombe, les reliefs ont ici été sculptés avant d'être peints.
Les deux murs sont surmontés par une échelle de rectangles qui couronne une belle frise (). Celle-ci est constituée par un pilier djed entre deux nœuds tit, une courte colonne de hiéroglyphes sur fond jaune avec le nom et un titre du défunt, et un dieu à tête de canidé (certainement Anubis) portant une croix ankh sur les genoux. Au nord comme au sud, la frise est dirigée vers l'entrée.
Du côté nord, de nombreuses couleurs n'ont pas été appliquées sur la fresque ainsi que sur les hiéroglyphes, et le couple a été plus maladroitement peint que de l'autre côté, suggérant qu'il s'agit là de la dernière partie de la tombe à être décorée, et qu'elle est de ce fait restée inachevée. Ceci constitue aussi un argument supplémentaire pour penser que Kah a été la dernière épouse de Nefersekherou.

Mur sud

Nefersekherou et son épouse Kah s'avancent vers la sortie, bras levés en signe d'adoration (, ).
Une grande partie de la partie basse du corps de Kah, ainsi que la jambe arrière de son époux ont disparu. Tous deux portent une grande perruque, magnifiquement préservée chez lui, nettement moins bien chez elle. Les défunts ont revêtu leurs bijoux : grand collier, bracelets de poignets et d'avant-bras ; elle porte de plus des boucles d'oreilles et un serre-tête ouvragé. Tous deux sont vêtus des grandes tuniques amples selon la mode de l'époque.
Seule la perruque de Kah est surmontée du cône d'onguent, dont la nature réelle ou métaphorique (parfum en général) reste débattue. Comme souvent, il est associé à une fleur de lotus ouverte. De la main gauche, elle agite un sistre hathorique et tient en même temps une tige de papyrus. Le bruit de crécelle du sistre est censé imiter le froissement des papyrus sous l'action du vent, moyen infaillible d'attirer la déesse Hathor, qui devra favoriser la renaissance du défunt et sa gestation. De sa main gauche, elle tient un collier menat, autre symbole hathorique.
Le texte hiéroglyphique d'accompagnement est tracé sur un fond jaune, et encadre à l'avant et en haut le couple qui se détache sur un fond blanc (). Il s'agit d'un hymne à Ra : "Adoration de Amon-Ra-Horakhty" assez long. Le trou destiné au gros loquet de la porte n'interrompt pas le texte, et a donc été réalisé avant celui-ci.

Mur nord

Le couple, représenté presque à l'identique, entre dans la sépulture ().
Nefersekherou a les deux bras levés en adoration, tandis que Kah ne lève que son bras gauche. Dans sa main droite, qu'elle garde le long du corps, elle tient une grande tige de papyrus (peinte en jaune) et un collier menat. Une fois encore on peut admirer la finesse du travail de la perruque du défunt, dont les deux rangs sont bien visibles. On remarque un pilier djed qui pend au bout d'un large ruban reposant sur le bras droit du défunt.
Le texte d'accompagnement est beaucoup plus court que sur le mur opposé, et se trouve au-dessus du couple. Il s'agit d'un hymne à Osiris qui commence par : "Adoration à Osiris".

Le plafond

Il n'en persiste qu'une petite portion dans le coin nord-ouest, mais elle permet certaines conclusions (). La zone, pratiquement carrée, était entourée par une série de bandes parallèles, comme on en retrouve beaucoup dans la tombe. La séquence de couleurs est, de l'extérieur vers l'intérieur : blanc-bleu-blanc-rouge-blancbleu-blanc. À la partie interne se trouvait un motif en échelle qui entourait le thème central. Ce dernier comportait un fond rouge sur lequel se détachaient des cercles bleus centrés par une zone bleu-verte entourée de points blancs. Il est impossible de savoir s'il y avait des bandes de texte, mais il est très probable qu'au moins une formule d'offrande y figurait.