TT31, la tombe de Khonsou , encore appelé To (ou Ta) .

La tombe TT31 se situe dans la nécropole de cheikh Abd el-Gournah ; elle date de la XIXe dynastie, plus précisément du long règne de Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.) sans doute dans sa seconde partie. Elle appartient à un fonctionnaire du nom de Khonsou, nom théophore calqué sur celui du dieu-fils de la triade thébaine (Amon - Mout - Khonsou). Khonsou a un surnom : To. Sa famille est traditionnellement liée au culte de Montou, ancien dieu guerrier de la région thébaine.
Khonsou est issu d'une lignée prestigieuse, puisque son arrière grand-père, Ousermontou, semble avoir été vizir à l'époque amarnienne. De nombreux membres de la famille du défunt sont représentés dans sa chapelle, ainsi que d'autres personnages plus difficiles à classer.
La tombe de Khonsou est une des rares que l'on peut encore visiter de nos jours. Hélas, les panneaux vitrés qui recouvrent les parois, s'ils sont nécessaires à leur protection, modifient la vision que l'on a des scènes et font disparaître l'expérience émotionnelle par la distanciation qu'ils induisent (il n'est que de regarder pour apprécier la différence…).

Nous allons beaucoup parler du dieu Montou et rencontrer plusieurs représentations royales, aussi nous vous recommandons, avant de poursuivre, de lire les pages spéciales suivantes, écrites pour compléter cette présentation :
ainsi que .

Khonsou et sa famille

Signalons, pour ne plus en parler, l'article de Jiro Kondo dans lequel l'auteur, se basant sur certaines bizarreries dans le décor et les liens pas toujours clairs entre les personnages, formule l'hypothèse que la tombe, initialement conçue pour un dénommé To à la fin de la XVIIIe dynastie, aurait été usurpée par Khonsou à l'époque ramesside. Cette hypothèse, qui a le mérite de mettre en évidence quelques incohérences dans le monument, repose cependant sur des présomptions trop minces et ne peut être retenue en l'état. Aussi nous en tiendrons-nous à la version classique selon laquelle Khonsou = To.

1) - Khonsou

Comme beaucoup de personnages de l'époque, il avait un second nom To (ou Ta), moins souvent employé que le premier. Le nom Tjay est également utilisé dans la chapelle, et il y a tout lieu de penser qu'il s'agit d'une variante de To.

La principale fonction exercée par Khonsou est celle de "Grand prêtre (du culte funéraire) de Menkheperrê" (Thoutmosis III). Il s'agit probablement du temple funéraire principal du roi sur la rive ouest de Thèbes, mais il pourrait tout aussi bien s'agir d'une fondation de Thoutmosis III dans une autre ville du Palladium thébain si on se fie à une représentation montrant la statue du souverain sur un navire qui remonte un canal jusqu'à l'entrée du temple d'Ermant. Et pourquoi ne s'agirait-il pas du temple de Thoutmosis III à Karnak ?… Spéculations invérifiables.

Khonsou était par ailleurs "Grand Prêtre de Montou, seigneur de Tod".

Il était également "Superviseur du bétail de Menkheperourê" (Thoutmosis IV). Il est possible qu'il ait exercé cette fonction plus tôt dans sa carrière, car dans la scène qui y fait référence, il est accompagné de sa première épouse, Rouia.

Un doute subsiste sur le fait qu'il ait également été "Grand prêtre (du culte funéraire) de Aakheperourê" (Amenhotep II), une fonction qu'occupait déjà son père Neferhotep.

2) - Sa famille

Le père de Khonsou se nomme Neferhotep et il était grand prêtre du culte d'Amenhotep II.

Sa mère est une "chanteuse de Montou, Seigneur d'Ermant" du nom de Taouseret ; Khonsou avait pour elle une affection spéciale dont témoigne la place éminente qu'elle occupe dans la chapelle. C'est peut-être à elle qu'il doit sa connexion à Ermant et à son dieu, Montou.

Parmi les ancêtres est cité un certain Nebhemhyt, un personnage qui est désigné comme "son père", mais il n'est pas précisé de qui et le groupe hiéroglyphique jt=f peut désigner n'importe quel aïeul, par exemple le grand-père ; ce "père" était "porte-étendard du grand régiment de Nebmaatrê" (Amenhotep III).

Un ancêtre prestigieux, sans doute l'arrière grand-père de Khonsou, est Ousermontou, qui a exercé la charge de vizir à la fin de l'époque amarnienne, probablement sous Toutankhamon. Il est représenté plusieurs fois dans la tombe, ainsi que son frère Houy. Un des fils de Khonsou porte également le nom d'Ousermontou.

Khonsou a eu deux épouses : en premier lieu Rouia, qui lui a donné deux ou peut-être trois enfants, puis Moutia (y) (ou Maiay, ou Maay) qui lui en a donné sept. Les noms et fonctions des frères, sœurs, fils, filles et neveux que l'on trouve cités dans la chapelle se trouvent sur l'arbre généalogique ; nous ne nous y attardons pas. Remarquons l'implication de toute la famille dans le service de Montou (NB "ouab" = "prêtre pur", une classe sacerdotale inférieure qui avait en charge les tâches journalières dans le temple et quelques activités cultuelles. Ils doivent être rasés car ils peuvent toucher des objets du culte même s'ils n'ont pas accès aux salles intimes du temple).

Une vingtaine d'autres personnes sont citées dans la chapelle, nous en parlerons lorsque nous les rencontrerons, d'autant qu'il n'y a guère à dire sur eux car nous ignorons la nature de leurs relations avec le défunt.

La tombe 31 - Généralités

Le monument était connu de Lepsius et Schiaparelli dans la seconde moitié du XIXe siècle, mais il faut attendre Weigall, en 1908, pour qu'une porte métallique soit mise en place, et Mond en 1925 pour réaliser des travaux de consolidation, car l'arrière menaçait de s'effondrer. C'est au cours de ces travaux que fut découverte la niche bien préservée du fond. En 1948, Davies et Gardiner consacrent une étude à la tombe ; c'est sur elle que nous nous sommes essentiellement basés dans cette présentation.

Dès son avènement, Ramsès II lance un vaste programme de construction dans tout le pays, entraînant une surcharge de travail des artisans pour produire l'énorme quantité de décors nécessaires à couvrir les parois des temples et autres monuments officiels. Il en résulte un appauvrissement des exigences artistiques et une uniformisation des représentations. Ces constatations valent aussi pour la décoration des tombes qui perd de sa qualité mais surtout de son originalité par rapport à l'époque précédente ; c'est ainsi que de nombreuses représentations iconiques semblent transportables d'une tombe à l'autre. Un exemple : la représentation d'un roi, quel qu'il soit, est calquée sur celle, si caractéristique, de Ramsès II. Il en est ainsi, chez Khonsou, de l'image du roi Montouhotep qui se trouve dans la niche au fond de la salle longitudinale.
De plus, il existe souvent une cohabitation entre des styles différents dans le même monument, traduisant l'existence d'écoles d'artisans. Ainsi, le travail en relief ignore complètement la mode et préfère privilégier l'expérience des époques antérieures, d'où un contraste avec les peintures dont le style a évolué. Par exemple ici, dans l'embrasure d'entrée, le fils de Khonsou porte une perruque gravée en escalier, de style amarnien et post-amarnien, quasiment abandonné après Sethy I (Eva Hofmann), alors que, dans le reste de la tombe, les perruques peintes ont suivi la mode.

Précédée d'une cour, la tombe de Khonsou présente un plan classique en "T" inversé. Son orientation géographique nord-ouest / sud-est ne répond pas à l'idéal symbolique ; aussi, comme il est d'usage en égyptologie - qui imite en cela les prêtres qui ont élaboré le décor - nous considèrerons que l'entrée se trouve à l'est, et que la salle transversale est orientée nord-sud.
Des mesures approximatives ont été réalisées d'après le plan de Kampp. L'entrée mesure 0,70m de large. La salle longitudinale mesure 7,50m de long pour 1,75m de large et 2,10m de hauteur ; l'aile gauche est plus courte de 0,30m par rapport à la droite.

Le décor de la tombe TT31 est peint, sauf au niveau des passages, qui sont également gravés. En dehors du mur nord de la salle transversale, le style et les thèmes sont typiquement ramessides, sur un fond blanc cassé, sans grande originalité. On retrouve ce goût de l'époque, qu'on pourrait qualifier de baroque, avec une accumulation de détails, de couleurs. Les corps s'allongent, parfois bien au delà du physiologique.
De nos jours, le décor qui a survécu se trouve presque uniquement dans la salle transversale et la niche du fond, tandis que le couloir longitudinal a perdu presque tout son revêtement. La petite pièce à laquelle a été donné le nom d'antichambre n'a jamais reçu de décor, mais seulement un badigeon jaune.
Tous les plafonds sont peints, tout comme les soffites ("plafonds") des trois passages.
Il semble que l'essentiel des dégâts dans la tombe soit d'origine géologique, dû à un glissement des strates rocheuses inférieures sur celles qui les surplombent, car le monument est taillé dans une roche feuilletée de mauvaise qualité.

NOTE : les dimensions au sol ont été calculées d'après les dessins de F. Kampp et les hauteurs estimées sur photos comparativement aux surfaces.

La cour

La chapelle de Khonsou s'ouvre à l'arrière d'une cour qui se trouve en dessous du niveau du sol, juste au sud d'une cour plus large commune aux tombes TT30, TT50, TT51, TT109 ; la TT30 communique d'ailleurs avec elle par un étroit couloir s'ouvrant dans l'antichambre.
On descend dans cette cour carrée en contrebas par un escalier qui été restauré. Les murs entourant la cour, dont les assises sont en briques, ont dû être surélevés pour s'adapter aux conditions modernes du terrain (). Du côté gauche de la cour (ouest) se trouve la tombe TT301 de Hori, "Scribe de la table du seigneur du Double Pays dans le domaine d'Amon" également d'époque ramesside. Il ne reste quasiment rien du décor ; l'entrée en est murée.

La façade

()

De part et d'autre de l'entrée se trouvent deux stèles taillées directement dans la roche ; on est frappé par la différence de taille, de forme et d'encadrement entre les deux. Selon Kampp, cette différence pourrait provenir d'une plus mauvaise qualité de la roche du côté droit : on remarque d'ailleurs que la quasi-totalité de l'encadrement de la partie supérieure de la stèle gauche s'est lui aussi désagrégé.
Mais il existe une autre possibilité, c'est que seule une stèle (celle de droite dans ce cas) ait appartenu à TT31, la seconde aurait été réalisée un peu plus tard (mais toujours sous Ramsès II) pour l'occupant de la TT301. Il serait en effet très inhabituel de trouver, dans une même avant-cour, deux stèles dont la taille, la forme, les motifs iconographiques soient aussi différents.
Ces stèles sont presque effacées.

Sur celle de droite (à l'est), on reconnait néanmoins, dans le registre supérieur, un homme dont le nom semble être Ousermontou, faisant offrande à Rê-Horakhty (). Le registre central est perdu. Sur le registre du bas, un homme et deux femmes font offrande à deux couples, dont le premier représentant serait Khonsou lui-même, et on trouve mention de Khenemet Ouaset, le Ramesseum.

Sur la stèle de gauche, dans le cintre, deux personnages rendent hommage à Rê-Horakhty assis sur un trône ; si la stèle avait fait partie d'une paire, on aurait dû trouver ici (à l'ouest) Osiris. Le registre du dessous est occupé par des colonnes de texte illisible.

Premier passage : l'entrée dans la tombe

La totalité de l'encadrement de la porte d'entrée (jambages et linteau) est perdue. Les embrasures portent un décor incisé et peint, dont les fragments du côté sud ont pu être remis en place.

1) - Embrasure sud (gauche)

(, ) La frise qui surplombe la scène est formée par une alternance de deux khakérous et d'une représentation d'Anubis sur le toit d'une chapelle. Nous la retrouverons et la décrirons mieux dans la tombe. Elle repose sur la traditionnelle bande constituée de rectangles colorés. En dessous, nous trouvons la moitié supérieure du corps de quatre personnages qui sont tournés vers l'extérieur, semblant sortir de la tombe.

En premier vient Khonsou, qui porte la peau de félin (en principe attribut d'un prêtre sem) par-dessus sa tunique à manches. Il a les deux bras levés, paumes vers l'avant, en adoration. Au-dessus, se trouve le texte d'un hymne solaire : "[Faire adoration à Rê] lorsqu'il surgit dans l'horizon oriental du ciel… [par le grand-]prêtre du seigneur du [Double Pays] Menkheperrê (Thoutmosis III), Khonsou, mis au monde par la maîtresse de maison Taouseret."

Derrière Khonsou se tient "Sa mère, la chanteuse de Montou, Taouseret". Elle est coiffée d'une longue perruque dont les mèches sont serrées dans un ruban sous l'oreille et sur laquelle est posé ce que l'on a coutume d'appeler le cône d'onguent thébain, qui prend ici la forme d'un obus. Censé représenter un cône de graisse parfumé dégoulinant dans la chevelure et sur la robe avec la chaleur, sa réalité matérielle est mise en doute et nombreux sont ceux qui pensent qu'il s'agit d'une métaphore pour désigner les parfums en général. Deux fleurs de lotus, une ouverte, l'autre en bouton, complètent la symbolique de l'ensemble évoquant l'être en devenir et celui qui est remis au monde le matin après avoir séjourné dans le ventre de Nout-Hathor, la montagne thébaine. Taouseret porte un grand collier et des bracelets aux avant-bras et aux poignets. De la main gauche, elle brandit deux tiges de papyrus (?) qui entourent un sistre hathorique, censé attirer la déesse Hathor par le bruit de crécelle qu'il produit lorsqu'on l'agite. Dans l'autre main, elle tient le contrepoids d'un collier Menat, également en rapport avec Hathor.

Le personnage suivant, de plus petite taille est "son fils, le supérieur des écuries, Ousermontou… " Il porte une perruque à étage, un pagne, mais pas de tunique et tient dans une main deux oiseaux (probablement des canards) par les ailes. Le canard était, dans la symbolique égyptienne, en rapport avec la sexualité et la renaissance ; il est suivi par Moutiay, la seconde épouse de Khonsou. On voit que celle-ci est représentée nettement plus petite que sa belle-mère : ici, comme ailleurs dans la tombe, la mère du défunt a toujours préséance sur les épouses. Si on se base sur la fin du texte, deux enfants devaient accompagner leur mère, mais ils ont disparu.
Selon Davies, il y avait une autre scène sous-jacente à celle-ci : elle est totalement perdue.

2) - Embrasure nord (droite)

Seul le haut du corps de trois personnages qui se dirigent vers l'intérieur de la tombe a survécu.
Le premier est Khonsou dont le crâne rasé témoigne de la fonction sacerdotale. Les noms de ceux qui le suivent sont perdus, mais, compte tenu de la scène en vis-à-vis, on peut supposer que la dame est Taouseret, la mère de Khonsou, représentée comme sur l'autre paroi, et qu'elle est suivie du fils Ousermontou. Le texte au-dessus des personnages s'adresse cette fois au soleil couchant : "Faire adoration à Rê lorsqu'il se couche à l'horizon occidental du ciel. Afin qu'ils (sic) me donne une belle vie dans la nécropole, d'entrer et de sortir sur la terre pour l'éternité, et que son Ba ne soit pas séparé de son désir (?). Pour le Ka du grand-prêtre de Menkheperrê, [Khonsou]"

3) - Le soffite

(plafond)

Le soffite du premier passage (comme celui du 3e) est original : au lieu des motifs géométriques habituels, il est décoré d'oiseaux disposés régulièrement, ailes déployées sur un fond jaune, qui accueillent le visiteur. Les oiseaux sont bleus, avec des traces de blanc et des pattes rouges. L'entrée des sépultures n'étant pas hermétiquement fermée, il est possible qu'il s'agisse d'une simple transposition de la réalité ; mais l'idée du rapprochement avec l'oiseau-Ba ("âme" du défunt) quittant la tombe pour sortir au jour n'était certainement pas pour déplaire à Khonsou qui en fera figurer deux à des emplacements inhabituels dans la chapelle.