Le personnage - TT7

Le scribe Ramose, qui est en fonction pendant la première partie du règne de Ramsès II, est un des personnages les plus célèbres de la communauté des artisans résidant dans le village de Deir el-Medineh. Nul autre n'a laissé autant de stèles, d'ex-voto, de statues à presque toutes les divinités du panthéon thébain, et au delà. Pour reprendre le grand Bernard Bruyère (Rapports 1935-1940, p. 86) : "Un tel rassemblement d'ex-voto, issus d'un seul donateur, témoigne à la fois d'une piété éclectique, d'un souci certain et assez ostentatoire de la postérité, d'une diplomatique inquiétude de l'au-delà et enfin d'une prospérité bien assise en ce monde".
De cette aisance matérielle, du prestige et du rang social du personnage témoignent également les trois tombes du scribe Ramose : TT 7, TT 212 et TT 250 et sa présence dans les sépultures d'au moins quatre autres personnages. Plus d'une centaine de monuments divers sont dédicacés par lui ou le mentionnent (Exell). Avec le vizir Paser, auquel il était très lié, il est certainement à l'origine de la construction d'un bâtiment dédié à Ramsès II et à l'introduction d'un nouveau culte de la vache Hathor à Deir el-Medineh.
Personnage d'un immense prestige et disposant d'une influence considérable, il a profondément marqué l'histoire du village où il est resté célèbre comme l'homme le plus riche qui y ait jamais vécu (Cerny).
L'époque de Ramsès II est d'ailleurs une période de prospérité générale pour le village : le travail est abondant, car, si on ajoute la sépulture du souverain, l'immense tombe KV5 des fils royaux, et au moins quatre chantiers dans la Vallée des Reines (tombes de la reine Nefertari, des princesses royales Nebetaouy, Merytamon, Benta'anat et peut-être d'autres, dont le nom s'est perdu), ce sont pas moins de six chantiers qui ont occupé les ouvriers même s'ils n'étaient probablement pas tous contemporains. Sans compter leur travail dans les temples où les programmes décoratifs à la gloire du pouvoir royal se multiplient (en même temps que baisse leur qualité).

Ramose et sa famille

Son père se nomme Amenemheb et sa mère Kakaia

Son épouse se nomme Moutemouia , souvent abrégé en Ouia

Son fils adoptif est Kenherkhepeshef

Son beau-père se nomme Houy et sa belle-mère Neferetkaou

L'oncle de sa femme (frère de son père) est Neferrenpet

Amenemhab, son père, n'a pas de relation avec Deir el-Medineh, il exerce une fonction de secrétaire et d'huissier, dont le rôle est de transmettre les messages écrits ou oraux. Cette fonction traduit son appartenance aristocratique et certainement des contacts avec le souverain. Son fils recevra l'instruction d'un scribe et profitera de la position paternelle.

Le premier poste connu de Ramose est celui de "scribe dans la maison de Menkheperourê" (Thoutmosis IV), donc dans le Temple de Millions d'années de ce souverain. Sur la stèle 4 de la collection Bankes (qui se trouvait probablement sur la pyramide surmontant TT 212), Ramose fait état de nombreux titres : "Trésorier en chef de la maison de Menkheperourê" ; "directeur de l'administration dans le département du directeur des choses scellées" ; "scribe comptable du bétail d'Amon-Rê" ; "assistant-scribe pour la correspondance du prince héréditaire" ; plutôt que le prince héritier de Ramsès II, ce titre désigne plus probablement le célèbre Amenhotep-fils-de-Hapou. Ramose se proclame aussi "serviteur dans le domaine d'Amon-Rê" ; "administrateur du domaine funéraire dans le domaine d'Amon-Rê".
Ramose dut alors être repéré par le vizir Paser, en charge des nominations dans la communauté des artisans de la Place de Vérité ; les deux hommes vont lier des relations étroites, comme nous allons le voir.

Quelques témoignages montrent que Ramose était très fier de sa nouvelle fonction. Ainsi un ostracon écrit de sa main (), retrouvé dans la Vallée des Rois, rend compte de sa nomination comme Scribe de la Tombe: "… Il (Ramose) fut nommé scribe dans la Place de Vérité l'an 5, le troisième mois d'akhet, le jour 10 du roi de Haute et Basse Égypte Ousermaatrê-Setepenrê, vie, santé, force, le fils de Rê, Ramsès, aimé d'Amon". Il laissera aussi le souvenir de cette nomination par un graffito à l'encre rouge près d'une tombe abandonnée de la Vallée des Reines. Pour Exell, le titre de scribe dans la Place de Vérité est trop vague pour un personnage de l'importance de Ramose, et elle préfère le désigner comme "Senior Scribe".
Ramose, né sous le règne d'Horemheb, a dû accéder à son poste autour de l'âge de 35 ans (Cerny). Le scribe Houy se trouvait déjà dans l'administration de la tombe. Houy et son épouse Neferetkhaou semblent l'avoir bien accueilli puisqu'il deviendra leur gendre en épousant leur fille Moutemouia.
À son entrée dans l'institution, les deux chefs d'équipe sont Pached et Nebnefer (fils de Neferhotep I), qui figurent tous deux dans une de ses tombes (TT 250).

Ramose a exercé sa fonction dans l'équipe de la tombe pendant au moins 33 ans, car la dernière mention qu'on a de lui date de l'an 38 de Ramsès II.

Ramose et le vizir Paser

Ramose et Paser entretenaient sans nul doute des rapports étroits. En témoigne la construction à Deir el-Medineh, sous la direction des deux hommes, d'un sanctuaire dédié au culte de Ramsès II vivant, divinisé, le bâtiment khenou (xnw), adjacent au mur sud du temple d'Hathor, auquel il était probablement très lié (Bruyère, Rapport 1935-1940, p. 72-79, ). Ce bâtiment modeste en taille (18 × 10m) appelé "la résidence de Ramsès II", avait une fonction purement religieuse et non civile comme le croyait Bruyère : l'exaltation du Ka royal - en liaison avec le culte de Hathor. Il abritait des statues en bois de Ramsès II et de plusieurs souverains antérieurs, dont Touthmosis IV et Horemheb. Ce sont ces trois souverains que l'on trouve mentionnés sur une des statues en calcaire peint de Ramose retrouvées sur le site ().
Le bâtiment Khenou semble bien avoir abrité le culte de deux Hathors : la première est l'Hathor du sud, la classique "Hathor qui réside dans Thèbes" ; la seconde est une Hathor memphite, "Hathor, dame du sycomore du sud". Dans toute l'aire thébaine, on n'a retrouvé mention de cette seconde Hathor que sur des monuments dédiés par Ramose ou portant le nom de son père Amenemheb (qui a donc transmis ce culte à son fils). Ainsi le bâtiment Khenou servait au culte royal mais aussi au culte personnel de Ramose…

La collaboration entre Paser et Ramose a été étroite, comme en témoigne le grand nombre de stèles et de statues dédiées par les deux hommes qui ont été retrouvées sur le site ; par exemple cette statue stéléphore () de Ramose qui, à propos d'une liste d'offrandes consenties par Ramsès II depuis les magasins de son temple funéraire (le Ramesseum), écrit : "… celui qui en a dressé la liste est le scribe dans la Place de Vérité, Ramose, conjointement avec le scribe royal, le Maire de la Ville (Thèbes), le vizir, Paser…"
Selon Valbelle : "Les cultes statuaires royaux représentent une part importante des cérémonies monarchiques à toutes les époques. Ils permettent d'associer le souverain vivant, en son absence, et ses prédécesseurs défunts aux services quotidiens et aux fêtes des divinités dans l'ensemble du pays et même dans des sanctuaires reculés, situés dans les déserts environnants ou à l'étranger. Ils sont aussi destinés à renforcer la permanence du pouvoir pharaonique en réunissant les effigies de ses représentants successifs. Le domaine de la Tombe est évidemment un endroit privilégié pour célébrer la perpétuité de la royauté égyptienne et la mémoire des souverains qui l'illustrent".
Il est clair que Ramose a joué un rôle important dans l'établissement et la promotion du culte royal de Ramsès II dans le village et que, en parallèle, il en a retiré un prestige social considérable (Exell).

Il est possible que Ramose et Paser aient également contribué à l'érection d'une chapelle dédiée à Amon en face du temple d'Hathor, au bas de la colline de Gournet Mouraï, car des fragments de stèle ou de parois recueillis à proximité montrent les deux hommes en adoration devant une statue de Ramsès II.

Ramose, vie privée

Si la carrière de Ramose a été brillante, on ne sait quasiment rien de sa vie personnelle en dehors du fait qu' il n'a jamais pu avoir d'enfant avec son épouse Moutemouia ce qui, on le sait, est un grand malheur dans l'Égypte ancienne.

Il semble avoir résolu le problème de la continuité de son lignage en adoptant un garçon du nom de Kenherkhepeshef, comme en témoigne l'inscription sur la table d'offrande Louvre E.13998 : "Le scribe dans la Place de Vérité, Ramose, juste de voix ; son fils, le scribe Kenherkhepeshef, dont le père est Panakht".
Ce Panakht n'est pas attesté ailleurs à Deir el-Medineh. Le terme "sA", "fils" employé dans le texte peut-être utilisé pour des relations quasi familiales, mais sans lien de sang, par exemple celles qui unissent un maître à son élève.

Avant d'en arriver à cette extrémité, le couple avait fait de pieuses donations à de nombreuses déesses de la fécondité, dont Hathor, Taoueret, et même des divinités étrangères comme la déesse asiatique de l'amour Qadesh (stèle Turin 50066, photo Su Bayfield).
On a retrouvé une table d'offrande dédiée conjointement à Osiris et Hathor par Ramose et Kenherkhepeshef.
Kenherkhepeshef avait installé son bureau à la station de repos du col situé entre Deir el-Bahari et la Vallée des Rois et a fait réaliser pour lui un siège massif en calcaire, trouvé par Bruyère encastré dans le dallage ; il évoque "le scribe royal dans la Place de Vérité, Ramose" en tant que "son fils, qui fait vivre son nom, le scribe Kenherkhepeshef" ().

Ramose dans les tombes de certains de ses collègues

La célébrité du scribe lui vaut de figurer dans un certain nombre de tombes en dehors de la sienne :

Dans le premier caveau vouté de la tombe du sculpteur Neferrenpet, TT 336, Ramose et sa femme Ouia font offrande au "scribe royal Houy" (frère de Neferrenpet et père de Ouia) ainsi qu'à son épouse Neferetkhaou.

Dans la chapelle de surface de la tombe de l'ouvrier Nebenmaat, TT 219, sur la partie nord de la paroi ouest on retrouve le couple assis ; le texte d'identification, lu autrefois par Bruyère, est aujourd'hui perdu.

Dans la tombe du sculpteur Ken, TT4, sur le mur du fond de la chapelle, de chaque côté de l'image de la vache Hathor jaillissant de la montagne de l'occident, on trouve une image de Rê-Horakhty à laquelle le vizir Paser (à gauche) et le scribe royal Ramose (à droite) offrent la Maat.

Dans la chapelle conjointe de Penboui et Kasa, TT 10, le scribe et le vizir Paser sont représentés derrière Ramsès II faisant offrande à Ptah et Hathor, dans une niche située dans le mur de gauche.

Les trois tombes du Scribe de la Place de Vérité Ramose

Nous avons déjà évoqué la prospérité du scribe Ramose, dont atteste par exemple le nombre d'ex-voto qu'il a dédié à différentes divinités, mais il est à peine croyable qu'il ait pu se faire construire trois sépultures. C'est pourtant le cas : TT 7, TT 212, TT 250 lui appartiennent.
Ce n'est pas pour lui seul que Ramose a fait édifier et creuser ces chapelles et caveaux : il semble avoir utilisé pour lui même TT7, tandis que TT250 aurait été réservée à des servantes attachées à sa maison, désignées souvent comme "femmes esclaves" par les égyptologues. La destination de TT 212 reste obscure, car il ne reste que l'alcôve de fond. Peut-être était-elle destinée à des serviteurs masculins ?
Deux des tombes étaient surmontées de petites pyramides et un des pyramidions qui en recouvrait le sommet se trouve au Musée de Turin (photo Hans Ollermann) ; tous les renseignements sur ce pyramidion se trouvent sur le site du projet Rosette, voir bibliographie.

La tombe TT 7

TT7 est une petite tombe rectangulaire ; selon Davies, l'iconographie suggère fortement qu'il s'agit de la dernière demeure de Ramose. En dehors du Porter et Moss, cette tombe n'a pas été publiée.
**Grâce à l'obligeance de Mme Eva Hofmann (Univ. Heidelberg) nous disposons d'images de la paroi ouest, mais toutes les autres manquent. Merci si vous pouvez aider **

1) - Cour et façade

La chapelle est précédée d'une cour qui était fermée par des murs de briques. Le puits menant au caveau TT265 d'Amenemopet s'ouvre dans cette cour. La chapelle d'Amenemopet, TT215, se trouve à distance.
De chaque côté de la façade, la paroi est creusée en forme de stèle. Sur celle de droite se trouve la vache Hathor, une barque et du texte.

2) - Entrée

Elle comporte deux parties séparées par un récessus. Sur le linteau extérieur, se trouve une scène où le défunt adore la barque d'Atoum et Rê-Horakhty, surplombée par les deux bras ouverts de Nout : dans une main, elle tient un signe de vie, dans l'autre, un signe de protection (image de droite). Dans l'embrasure, côté gauche, se trouve le défunt avec du texte (probablement un hymne solaire). Le soffite (plafond de l'entrée) porte une représentation de Nout en déesse arbre.
La partie interne gauche de l'embrasure montre Ramose en adoration devant trois rois et une reine assis. Le premier roi est Amenhotep I, puis suivent Ahmès-Nefertari, Horemheb et Thoutmosis IV. L'embrasure d'en face montre le défunt et deux femmes.

3) - Chapelle

Paroi sud

Trois personnes se tiennent devant un couple ; Ramose, suivi de Moutemouia, encense Sokaris et une déesse. Sur deux autres registres, on trouve le pélerinage en Abydos et la procession funéraire.

Paroi nord

Elle comporte l'abattage d'un boeuf, une première barque avec Osiris entouré d'Isis et Nephtys, et une seconde barque, celle de Sokaris devant laquelle se tient le défunt. Dans un autre registre on trouve plusieurs personnages qui font des offrandes au couple, et le défunt qui adore l'oiseau Benou dans une barque.

Paroi ouest

Elle est traitée comme une stèle, avec trois registres.
Dans le registre supérieur, qui occupe le cintre, on voit le pharaon Ramsès II faisant un encensement devant la triade thébaine (Amon-Mout-Khonsou). Il est suivi par le vizir Paser et par Ramose.
Sur le registre médian se trouvent Ramose, son épouse Moutemouia et des parents rendant hommage à Osiris, Ptah, Horus, Isis et Min-Kamoutef.
Sur le registre du bas se trouvent le défunt, sa mère, son épouse et une autre femme adorant Anubis, Isis, Nephthys et deux vaches Hathor sortant de la montagne de l'occident.

Le plafond

Il est plat. Il présente un décor géométrique formé de carrés de couleur, comme le montre l'image d'ensemble de la paroi ouest ci-dessus. Il est divisé en caissons par des bandes jaunes.