Depuis le Moyen Empire jusqu'à la XVIIIe dynastie, on trouve des représentations d'une liane parasite associée aux tiges de papyrus, mais sa stylisation extrême ne permet pas de déterminer sa nature. Elles se multiplient et s'affinent à la période amarnienne en raison du penchant naturaliste de celle ci ; mais c'est à l'époque ramesside, et plus particulièrement sous Ramses II que les images seront les plus belles et les plus détaillées, la plante restant le plus souvent attachée à la tige de papyrus, ou à des bouquets, mais pouvant aussi, plus rarement, en être séparée. Après la XXe dynastie, si le thème persiste, la qualité des représentations baisse (comme celle de toutes les représentations naturalistes d'ailleurs).
Ce succès sous les Ramses est probablement en lien avec les croyances spécifiques de l'époque, et notamment la place éminente qu'occupent les cultes solaires.

La nature du végétal a fait longtemps débat

Certains ont voulu y reconnaître un lierre, d'autre un liseron. Il a été toutefois établi que le lierre n'est pas une plante indigène et ne se trouve en Égypte qu'à partir de l'époque gréco-romaine.
Il faut donc se diriger vers un Convolvulus de type Liseron des champs (), d'autant qu'il est très souvent présent dans les guirlandes florales retrouvées dans les tombes (y compris celle de Toutankhamon). Ce n'est cependant pas le seul candidat, ainsi une très proche est possible. Quoi qu'il en soit, selon Lopez-Moncet (botaniste) : "Quelle que soit l'espèce reconnue dans la liane, il semble donc bien qu'une Convolvulacée en ait été l'archétype, essentiellement choisie dans un but symbolique pour son caractère volubile exprimant la vigueur, pour la forme de ses feuilles en triangle ou en fer de flèche, et devenu ensuite conventionnel".

Dans la botanique moderne, les convolvulacées, en particulier le liseron des champs, Convolvulus arvensis, sont classés parmi les mauvaises herbes. Il est particulièrement difficile de s'en débarrasser en raison de la longueur de ses rhizomes blanchâtres qui peuvent atteindre plusieurs mètres et sont très ramifiés. Ce rhizome exceptionnel lui confère un moyen de reproduction végétative (sans utiliser les graines) très performant puisqu'un seul fragment suffit à la régénérer, parfois des années après son éradication supposée.
Les anciens Égyptiens avaient peut-être remarqué cette fécondité étonnante, argument supplémentaire pour représenter la plante dans un contexte de renaissance.

Comment interpréter l'absence habituelle et surprenante de floraison dans les représentations ?

Première hypothèse, les fleurs auraient été jugées insuffisamment voyantes, car trop petites.
Seconde hypothèse, une séparation volontaire des fleurs et du reste de la plante. On trouve, par exemple dans la tombe de Panéhesy, des fleurs caractéristiques, campanulées ou en entonnoir, dans des frises. La liane vit en contact très étroit avec le papyrus dans un biotope marécageux proche de la berge du Nil. Parfois les feuilles semblent directement jaillir de la tige du papyrus. De ce fait, l'arrachage des deux plantes devait souvent être simultané. De plus, l'ombelle de papyrus est souvent schématisée par les artistes, avec un aspect en corolle, qui servirait alors également au liseron de fleur unique, terminale, géante, tournée vers le soleil. Ainsi, chaque plante apporte à l'autre des éléments qui semblent lui manquer.

Classification

Il existe cinq classes de lianes, qui peuvent être divisées en sous-types.

Type I

Une ou plusieurs lianes remontent en s'enroulant autour d'une tige de papyrus, à la recherche de la lumière. On peut l'observer dans des scènes d'offrande à des particuliers (Ia), dans des bouquets offerts à des divinités (Ib), ou autour de catafalques (Ic).
Chez Benia et Nefersekherou notamment, on voit clairement la forme triangulaire des feuilles de lianes.
Une chez Benia montre une tige de lotus parasitée, indiquant un autre support possible pour la liane, mais plus rarement observé.

Type II

Les plantes pendent du toit de kiosques de verdure (comme en Amarna) ou d'accouchement. Leur représentation est dans ce cas très naturaliste.
Dans la tombe amarnienne de Panehesy, nous trouvons la reine Nefertiti en train de verser à travers un filtre une boisson à son royal époux Akhenaton. Le couple royal se trouve sous un kiosque à chapiteaux papyriformes. Du toit pendent des lianes, dont certaines sont en fleurs, mêlées à des lotus et des grappes de raisin. Il s'agit donc de kiosques de verdure, qui se trouvent en plein air. Le liseron est représenté de manière très fidèle, et il est peu probable qu'à l'époque amarnienne il ait eu la connotation religieuse qui sera la sienne à l'époque ramesside.

Type III

Les plantes ont été désolidarisées du papyrus, leur support naturel le plus fréquent (ce qui est facile, il n'y a pas de crampons) et constituent une offrande à part entière (IIIb) ; parfois la liane est empoignée un sistre ou un collier ménat (tous deux symboles hathoriques) (IIIa). Dans tous les cas, la présence du payrus est implicite.
Le cercueil de la chanteuse d'Amon Hatchepsout se trouve au musée de Grenoble (). En bois stuqué et peint, il date de la XXIème dynastie. Une place particulière a été réservée aux représentations végétales, les classiques lotus et papyrus, mais aussi les liserons. Sur le couvercle, quatre longues tiges de liseron descendent sur la robe à partir de la taille. En dessous des pieds, le liseron s'enroule encore autour des papyrus soulevés par Nephtys.
Un autre magnifique exemple de ces représentations se trouve sur le cercueil de l'épouse de l'artisan Sennedjem, retrouvé dans la tombe de ce dernier à Deir el-Medineh.

Type IV

Les fleurs campanulées de liseron apparaissent entre les fleurs ouvertes de lotus bleu, au niveaux de frises décoratives, comme dans la tombe TT278 d'Amenemhab.

Type V

(après la XIXe dynastie)
Les lianes sont incorporées à des bouquets montés, soit simples (Va), soit offerts à la bien-aimée (Vb), soit en bouquets montés d'Amon (Vc).
Dans la scène de la momie dressée devant la tombe de Nefersekherou, un grand bouquet monté de papyrus se trouve devant la momie. Il est entouré d'une plante à larges feuilles triangulaires bleu vertes. Ces feuilles, associées cette fois à des fleurs campanulées rouge, se retrouvent autour du bouquet situé derrière la momie, près de la tête de la vache Hathor.

Type VI

Il s'agit d'une métaphore florale. La meilleure représentation en est la stèle de Tenperet, qui se trouve au Louvre (voir ). La défunte est debout en adoration devant Ra-Horakhty. Le disque solaire qui se trouve sur la tête du dieu baigne la dame de sa radiance, les rayons étant symbolisés par des fleurs de convolvulacées.

Place du liseron dans la symbolique funéraire

Les papyrus sont plus abondants sur la rive ouest que sur la rive est du Nil, particulièrement à Thèbes. L'intrication liane - papyrus en milieu naturel est parfaitement visible dans la représentation ci-contre, qui provient de la tombe d'Ipouy TT217 : dans la frange d'eau peu profonde qui se trouve sous l'homme au chadouf, on voit les liserons remonter vers le haut des tiges de payrus.

Ainsi, pour atteindre la rive occidentale où aura lieu l'enterrement, la momie du défunt doit traverser une zone marécageuse où poussaient roselières et papyrus, ce dernier représentant la plante hathorique par excellence puisque nous sommes dans le milieu où paissent préférentiellement les vaches, animaux symbolisant la déesse. Offrir papyrus et liserons constituait à la fois un moyen pour s'attirer les bonnes grâces de la déesse et une preuve que le défunt avait bien atteint la rive occidentale et pourrait continuer son voyage vers la nécropole. Le liseron était aussi considéré comme favorisant les naissances, et on sait que Hathor joue un rôle central dans la (re) naissance du mort qu'elle portera dans son sein. De ce fait, il décorait, depuis l'époque amarnienne, les kiosques d'accouchement, tels ceux attestés à Deir el-Medineh. La plante étant inséparable du papyrus, on reconstituait ainsi symboliquement les marais de Chemmis où Isis avait pu accoucher en sécurité du jeune Horus.

Le liseron est parfois représenté porté par l'épouse du défunt à la saignée du bras gauche ce qui a un sens si l'on sait que le défunt est souvent assimilé au papyrus dont la tige dressée évoque le phallus. Son épouse, assimilée au liseron, lui montre son affection en s'enroulant autour de lui. Devenu un papyrus "complet", le couple pourra lui aussi s'implanter sur les berges, attendant le passage de la vache Hathor.

Voici la conclusion de S. Aufrère : "Ainsi, le liseron s'affirme comme un vecteur de passage d'un monde à l'autre, tant dans une forme de translation horizontale du marais vers la rive des morts, que verticale, vers le soleil sous la lumière duquel elle se met à fleurir et à saluer ainsi le passage de l'astre solaire dans une cascade de couleur comme le montre la stèle de Taperet qui, bien que tardive, résume admirablement, comme une réminiscence, une ancienne croyance thébaine."