PARCOURS DE L’EXPOSITION

Le parcours de l’exposition Sésostris III, Pharaon de légende, permet au visiteur de découvrir ce monarque dont le règne marqua fortement la mémoire collective de l’Égypte tant il fut puissant, novateur et, d’une certaine manière, unique. Quatre sections en scandent la visite, destinées à révéler les caractères prégnants de ce règne qui connut de nombreux bouleversements à tous points de vue : historique, politique, social, culturel, artistique, esthétique, religieux, funéraire. Réputée -souvent à tort- peu encline aux changements, l’Égypte pharaonique a connu en ce 19e siècle avant notre ère un souverain visionnaire qui imposa ses ambitions et ses idées et inspira brillamment ses successeurs. Sésostris III donna à son pays une grandeur et une force que cette exposition, tant par la présentation de colosses que d’objets miniatures, met en contexte et en valeur.

Section 1 : PHARAON, SA COUR ET SES SUJETS

Sésostris III autoritaire et vigilant les mains posées à plat sur son pagne
12e dynastie, règne de Sésostris III vers 1872-1854 av. J.-C.
Égypte, Deir el-Bahari complexe funéraire de Montouhotep II
Granodiorite
© British Museum

Dès l’entrée, une série spectaculaire de statues et le fameux linteau de Médamoud dévoilent l’iconographie du roi, dont les traits sont volontairement particuliers, voire énigmatiques. Si son corps est toujours celui d’un homme svelte et jeune, son visage est le plus souvent celui d’un homme âgé, les yeux tombants, les rides marquées, les joues creusées, les oreilles excessivement grandes et décollées. On doit voir là une volonté de propagande, celle de l’image d’un souverain vigilant, déterminé, et, comme le confirment les textes contemporains, autoritaire et implacable. Ces statues et des papyrus attestent de cette idéologie royale, relevant d’une "stratégie de communication" visuelle du pharaon.

Le linteau ci-dessous, en calcaire blanc, participait du programme décoratif du temple de Médamoud (Haute-Égypte), l’antique Madou du temps de Sésostris III. Fouillé par le musée du Louvre et l’Institut français d’archéologie orientale du Caire de 1925 à 1940, le temple de Médamoud, situé à 5 kilomètres au nord de Karnak, sur la rive droite du Nil, s’inscrit, avec les sites de Tôd, Armant et Deir el-Bahari, dans le contexte des temples dédiés à Montou, le dieu guerrier. Déjà, les premiers rois du Moyen Empire, réunificateurs de l’Égypte à la fin de la Première Période intermédiaire, s’étaient placés sous le patronage de Montou, en se nommant Montouhotep, "Montou est satisfait", et en glorifiant la puissance invincible du dieu à tête de rapace. Sous Sésostris III, le dieu est toujours invoqué et honoré dans la région thébaine, où il est chargé de protéger la capitale du sud depuis ses sanctuaires disposés comme un bouclier rayonnant autour de la cité (plus de détails dans l'article " .

Textes et iconographie se complètent pour exprimer le souci que le roi a manifesté, dès son accession au trône – lorsque son visage était lisse et ses joues pleines –, tout comme la vieillesse venue – ses traits se ridant et ses joues se creusant – de ne jamais cesser de faire offrande au dieu puissant, "Montou seigneur de Thèbes". Il s’agit ici d’offrandes alimentaires – pain blanc à gauche, gâteau à droite – en échange desquelles le dieu garantit au souverain "toute santé, toute joie de vivre, comme Rê" (à gauche) et "toute vie, toute force, et toute stabilité comme Rê" (à droite).
La scène se passe sous la protection des ailes déployées de "celui d’Edfou", sous lesquelles le roi est deux fois légendé comme suit : "le dieu parfait, le maître du double pays, Khâkaourê, [nom de couronnement de Sésostris III] doté de la vie", précisant ainsi le caractère divin du pharaon, dont la taille est égale à celle du dieu Montou. Le double aspect du visage du roi, juvénile et mûr, sur un corps toujours svelte et musclé, a vocation à exprimer une volonté idéologique, celle de l’image d’un souverain vigilant, déterminé et, comme le confirment les textes contemporains, autoritaire, voire implacable.

La famille royale -reines, ascendants et descendants- est brièvement illustrée par des éléments de statues, sculptées dans des matériaux rares et variés.

Le scribe Iaÿ un rouleau de papyrus déroulé sur ses genoux
12e dynastie
règne de Sésostris III
ou d’Amenemhat III
Provenance inconnue
Grauwacke
© 2013 Musée du Louvre/
Christian Descamps

La société égyptienne est bien connue par des sources variées. L’élite, qui gravite autour du roi, s’est fait statufier dans son apparat de prestige. On remarquera que pour montrer leur allégeance à leur souverain, les hommes de l’élite empruntent les caractéristiques physiques de Sésostris III. La place de la famille et le rôle des femmes s’inscrivent dans une tradition plus classique, faisant des femmes avant tout des "maitresses de maison". Deux aspects les plus frappants de la société de cette époque sont, assurément, la montée en puissance d’une classe moyenne, dédiée aux nombreux bureaux créés par les réformes, et le recrutement de nombreux scribes, en charge de l’administration et de la transmission des ordres voulus par le pouvoir central.

Le monde des métiers manuels et le monde rural, souvent décrit par les textes sapientiaux comme pénibles, est représenté en fin de cette section par des outils et des modèles funéraires, sortes de maquettes d’ateliers ou de scènes à la campagne.

Section 2 : UN EMPIRE TOUJOURS PLUS VASTE

La deuxième section évoque les campagnes militaires et les contacts diplomatiques de Sésostris III. Le visiteur y est accueilli par un sphinx à l’effigie du monarque, dont les traits, impérieux et sévères, rappellent le caractère belliqueux et farouche du pharaon conquérant.

Sphinx de Sésostris III
12e dynastie règne de Sésostris III vers 1872-1854 av. J.-C.
Égypte, probablement Karnak
Gneiss anorthositique
H. 42,5 ; L. 73 ; l. 29,3 cm
© New York
The Metropolitan Museum of Art

Le sphinx majestueux illustré ci-contre, dont il manque les pattes avant, présente une physionomie bien identifiable. Les yeux aux paupières gonflées, les rides et la bouche fine à la moue mélancolique le relient aux représentations de Sésostris III dites "aux traits marqués". Ce visage nous dépeint un dirigeant sage et néanmoins autoritaire, et participe pleinement de l’iconographie officielle que voulait véhiculer la Résidence royale. La lecture du serekh (carré servant à inscrire un nom royal), sur le torse de l’animal, confirme l’identité du personnage : "L’Horus Netjer Kheperou (Divin dans ses apparences), Khâkaourê (les kaou de Rê apparaissent) ". La figure arbore différents attributs royaux, la barbe postiche et le némès (coiffe pharaonique), dont l’uraeus, démontable ou retravaillé à une époque ultérieure, a été perdu. La transition harmonieuse entre la tête du souverain et le corps de lion démontre l’habileté du sculpteur : le némès semble épouser la crinière de l’animal déployée sur les épaules. L’artisan a su tirer parti des veines courbes dans la roche – un bloc de gneiss provenant des carrières du Gebel el-Asr, à l’ouest d’Abou Simbel – pour conférer souplesse et puissance au corps du lion.

Figurine magique à
l’effigie d’un étranger ligoté
12e dynastie
fin du règne d’Amenemhat Ier
Soudan, Mirgissa
Calcaire polychrome
H. 13 cm
© Lille, université de Lille 3

L’extension de l’empire égyptien vers le Sud, au-delà d’Assouan, en Nubie soudanaise, est sans doute sa plus belle réussite. Une stèle trouvée sur le site soudanais de Semna, conservée à l’Ägyptisches Museum de Berlin et dont la traduction orne les murs de cette section, expose l’état d’esprit du roi vis-à-vis du peuple nubien : " (…) Lui lance-t-on une offensive qu’il prend la fuite, mais bat-on en retraite qu’il devient offensif. Ce ne sont pas des gens dignes de respect, ce sont des misérables, des poltrons : Ma Majesté l’a constaté, ce n’est pas un mensonge. J’ai capturé leurs femmes, j’ai emmené leurs gens qui s’étaient rendus à leurs puits ; leurs taureaux ont été abattus, leur orge a été arrachée, et le feu y a été mis (…) " (Traduction B. Mathieu).
Pour lutter contre l’ennemi de Kerma et surveiller les mouvements de population, Sésostris III fit ériger en Nubie, le long du Nil, un chapelet de forteresses militaires dont celle de Mirgissa. Fouillé par l’équipe de l’Université de Lille-III dans les années 60, le site de Mirgissa a livré une collection exceptionnelle d’objets de la vie quotidienne, d’armes et de mobilier de tombes révélant les us et coutumes des troupes égyptiennes cantonnées en Nubie sous Sésostris III. Restaurées pour l’occasion, cette très rare collection lilloise est présentée, quasiment dans son intégralité, et replacée dans son contexte archéologique et historique.

Au Moyen Empire, l’Égypte doit faire face à la montée de puissances étrangères (Byblos, Crète, Chypre), tout en ayant un besoin croissant de matières premières, de pierres semi-précieuses (Sinaï) et de main d’œuvre. Des relations commerciales, des contacts diplomatiques, des immigrations de populations étrangères en Égypte ou d’Égyptiens vers ces territoires nouveaux sont illustrés par des œuvres, trouvées en Égypte ou hors d’Égypte. On peut ainsi y admirer les influences culturelles et stylistiques qui ont marqué une production éblouissante de bijoux (pectoraux trouvés à Byblos), ou s’étonner qu’ait été découverte à Adana (Turquie) une statuette représentant une nourrice égyptienne.

Les liens qu’entretenait la ville orientale de Byblos avec l’Égypte trouvèrent leur expression dans l’art cosmopolite que suscitèrent ses souverains et dont témoignent les nombreux objets retrouvés dans les hypogées royaux de la ville. Deux tombes de cet ensemble ont livré des objets inscrits aux noms de rois giblites, à proximité d’objets inscrits aux noms des pharaons Amenemhat III et IV. En revanche, le pectoral ci-dessus provient d’une tombe qui fut retrouvée vide de monuments inscrits. Toutefois, il constitue un des exemples les plus frappants des interactions entre l’Égypte et le continent asiatique à l’époque du Moyen Empire. Sa forme générale évoque celle des colliers ousekh et son iconographie renvoie aux attributs officiels de la royauté égyptienne mais l’interprétation qu’il en donne révèle une origine locale.

Section 3 : LE MONDE DES DIEUX, LE MONDE DES MORTS

La 3e section expose les croyances religieuses et funéraires au temps de Sésostris III. Là encore, dans ces domaines, des changements majeurs sont intervenus. A Abydos, le culte d’Osiris, dieu des morts, prend un essor considérable. Chacun, du roi au simple artisan, cherche à se placer sous la protection de ce dieu pour gagner un au-delà paisible. Près du sanctuaire d’Osiris, l’esplanade du grand dieu, ainsi nommée dans les textes égyptiens, voit s’ériger des centaines de chapelles mémorielles, sortes de cénotaphes abritant stèles funéraires, tables d’offrandes et statues, destinées à commémorer les noms de leurs propriétaires et à les aider à attirer la faveur d’Osiris.

C’est dans cette section qu’est présentée la reconstitution en 3D de la chapelle de la tombe du nomarque (chef de province) Djehoutyhotep, située dans la nécropole de Deir el-Bersha, en Moyenne Égypte. Exploit technologique très spectaculaire dû au mécénat de compétence de la Société Ingeo, cette reconstitution multimedia donne au visiteur l’impression d’entrer réellement dans la tombe et lui permet d’admirer la qualité de ses peintures et bas-reliefs polychromes, célèbres dans l’histoire de l’art égyptien.

On retrouve ensuite les découvertes faites par l’Université de Lille-III dans le cimetière de Mirgissa au Soudan avec le mobilier funéraire de la dame Ibet, égyptienne enterrée en Nubie selon les rites égyptiens.