Une manifestation collective de la joie

De quoi s'agit-il ?
Dans certaines scènes de tombes ou de temples, on voit des personnages porter une branche, souvent posée sur l'épaule. Nous allons examiner dans quel contexte.

Le végétal

Selon Gobeil "l'iconographie du végétal consiste en un type de branche longiligne garni de feuilles pennées, de forme ovoïde à lancéolée"
La nature de la branche reste un sujet d'étude, et les Égyptiens ne nous ont pas facilité la tâche en ne nommant jamais le végétal.
Quel sont les candidats ? Il s'agit du sycomore, du saule et du palmier-dattier.

Le sycomore a des feuilles ovales et pas de fruits sur les petites branches. Il véhicule de plus une forte symbolique en lien avec Hathor, "Déesse du sycomore" et avec les idées de régénération post-mortem.

Le saule a des feuilles lancéolées et des fruits si petits qu'on pouvait les négliger dans une représentation. Il véhicule une symbolique en lien avec Hathor, et notamment avec les fêtes en l'honneur de celle-ci (Dendara) et il existe même un rituel de "dresser le saule" consistant à planter une pousse de l'arbre, là encore un symbole de régénération. Des branches de saule sont offertes au cours de rites propitiatoires au temple d'Edfou.

Le palmier est proposé comme troisième possibilité. Sa forme est bien connue et compatible avec l'iconographie. Sa feuille est un symbole de durée qu'on retrouve sur des momies ou sur des sarcophages. De plus, le palmier-dattier est en rapport avec l'eau, l'ombre et la fraîcheur.
Et à ce titre il faut penser à une autre utilisation pragmatique possible de la branche : celle de servir à apporter la fraîcheur en éventant, ce qui pouvait constituer une marque d'hospitalité après un gros effort.

Les monuments

C'est dans la à el-Bersheh, datant du Moyen Empire, que l'on trouve la plus ancienne représentation de groupes de jeunes hommes portant sur l'épaule une branche longue.

Ce motif est retrouvé dans la tombe de Kenamon TT93 datant de l'époque d'Amenhotep II, puis à l'époque amarnienne chez Meryrê (I). On la retrouve ultérieurement chez Amenhotep-Houy TT40 vice-roi de Nubie sous Toutankhamon et chez Neferhotep TT49 (époque de Ay).

Trois représentations se trouvent dans le temple d'Hatchepsout à Deir el-Bahari : côté Sud de la première colonnade (arrivée d'une paire d'obélisques), sur le mur Est de la terrasse supérieure (transport de deux colosses) et sur le mur Nord de la salle hypostyle de la chapelle d'Hathor (fête du nouvel an).

Points communs

Dans tous les cas, ces représentations ont des points communs :

Il s'agit de manifestations de joie, d'allégresse, avec une certaine note de triomphalisme.

Il s'agit de manifestations collectives (même si une seule personne est représentée avec la branche), ce qui leur confère une dimension "sacrée". En effet ce type de représentation n'est jamais utilisé pour exprimer la joie individuelle, il y a toujours un contexte de groupe.
Parfois les hommes semblent marcher à une sorte de pas cadencé comme on le voit chez Djehoutyhotep, chez Hatchepsout (où ce sont des militaires) ou chez Amenhotep-Houy.
Les femmes semblent souvent faire partie de groupes "professionnels", danseuses, musiciennes, renforcant l'idée de fête.

Le port de la branche semble aussi lié à l'idée de jeunesse, ou de verdeur.

La notion d'accueil est également constante : on accueille un personnage ou un objet dont la présence est liée à un exploit ou à une distinction honorifique. Cette tradition de l'accueil avec des branches se retrouve encore en Égypte et au Soudan, et est attestée dans les Évangiles :… (les gens de Jerusalem) "prirent des rameaux de palmier et sortirent au devant de lui (Jésus) " (Jean, XII, 13).

La signification réelle de ces représentations n'est pas encore complètement claire, comme d'ailleurs celle de l'usage d'autres végétaux dans ces scènes (certains sont visibles sur les documents).
Nathalie Baum rappelle que le rôle des espèces végétales est variable et qu'ils ne sont efficients que dans des situations données.